C’est un dimanche matin de février, et je ne suis pas particulièrement de bonne humeur ; encore une nuit passée à avoir des contractions et à ne pas dormir. Je commence à en avoir marre des contractions d’ailleurs. Ça fait des mois que je les endure, plus ou moins aux dix minutes. Pas si fortes puisque j’aurais déjà accouché, mais juste assez pour me faire la vie dure. Je suis maintenant dilatée à près de 6 centimètres, mon col est complètement effacé sauf que mon bébé refuse de descendre et je sais que c’est ce qui empêche le travail de se déclencher. Je me doute bien qu’il ou elle est mal placé, pourtant on m’assure que tout est correct.
Donc c’est toujours un dimanche matin de février où je ne suis pas particulièrement patiente. Les enfants sont bruyants, je n’ai pas envie de faire ma liste d’épicerie et je commence à penser qu’il vaudrait mieux que je retourne me coucher. Tourne d’un bord, tourne de l’autre. Ouch! Ma contraction vient d’achever mon découragement. J’appelle Karine, mon accompagnante à la naissance et amie de longue date, et je vomis ma pensée : je ne peux pas endurer cette douleur-là durant des jours encore! Je raccroche sans trop savoir si ça m’a fait du bien ou non et juste avant de sauter dans la douche, je zieute mes granules homéopathiques. J’ai une autre grosse contraction, et je décide d’en prendre. J’en ai une autre, puis une autre. Je sors de la douche et je sais que ça y est. Je ne suis plus ni découragée, ni grincheuse, je suis fébrile. J’appelle ma mère chez qui je dois aller bruncher avec les enfants et lui dis que je suis en travail mais que j’irai faire un tour. Je me prépare tranquillement, entre les vagues. « Tu ne veux pas les calculer? » que l’Homme me dit. Cinq minutes, c’est l’intervalle officiel. Je m’étonne pour la quatrième fois de ma vie de la régularité des contractions en vrai travail. Puis, je finalise mes trucs (voir article sur Préparer sa valise pour l’accouchement) : soutien-gorge, pyjama, contraction. Brosse à dents, brosse à cheveux, contraction. Moins de trois minutes est maintenant l’intervalle officiel.
Je laisse tomber le brunch finalement, et demande plutôt au beau-père de venir chercher la tribu. Je suis calme, pas mal plus que le futur papa. J’erre dans la maison en me demandant si j’oublie quelque chose, je mange tranquillement ma toast au grand désespoir de celui qui est pressé de partir, considérant la vitesse à laquelle vont les choses.
La douleur est bien présente, je la reconnais. Ma dernière naissance avait pris tout juste une heure, et la douleur m’avait fait l’effet d’un face à face avec un mur. Je la crains depuis, même si je sais qu’elle est mon alliée. Dans la voiture vers l’hôpital, je dis à mon conjoint que je n’ai pas envie. Pas envie qu’elle soit là. Je voudrais juste pondre… pop! Je sais que je suis capable pourtant. Que voulez-vous…
« 8 centimètres ma belle, mais ton bébé n’a pas descendu »
Je suis toujours souriante à mon arrivée à l’hôpital. Karine est là. Encore une fois, comme à chaque année, une naissance bouscule ses plans d’anniversaire. Tant pis mon amie, vient me tenir la main! Il n’y a personne à l’accueil, juste nous trois, l’infirmière et la doc. « 8 centimètres ma belle, mais ton bébé n’a pas descendu ». Pourquoi tu ne descends pas toi? Tu ne veux pas sortir? On me transfère dans la chambre de naissance. Je regarde par la fenêtre, les contractions ne me lâchent plus et elles me font anticiper. Je sais, je sais, une à la fois… C’est plus fort que moi, il y a un ouragan dans ma tête. La médecin me propose de rupturer mes membranes en insistant sur le fait que j’accoucherai très rapidement après. Je sais au fond de moi qu’il n’en est rien. Il est mal foutu ce bébé, j’en suis convaincue! Karine m’encourage, la doc se fait insistante. Tiens, l’infirmière s’y met aussi! Moi Jessie Jalbert, je panique, je veux une péridurale et on me la refuse. Elles sont trois contre moi. C’est ma perception bien sûr. Je regarde l’heure, il est moins vingt. Karine me dit : « tu vas avoir ton bébé dans moins de 15 minutes si on rupture, tu le sais! ». Justement, quelque chose me dit que ça ne va pas se passer ainsi. J’ai peur de revivre cette tempête, comme la dernière fois. Je finis par accepter, non sans avoir tenté de négocier.
J’ai un souvenir à la fois très vague et très franc de ce qui s’est passé tout de suite après la rupture des membranes. J’ai dilaté d’un coup. Je suis assise sur la toilette, ça pousse très fort et la douleur m’emporte. Je me laisse porter jusqu’à mon lit par mon homme, et me mets à crier. Très fort. Je me souviens m’être dit : « Wow! C’est moi ça? ». J’ai besoin de laisser sortir tout ce que je refoule depuis le début. Ça se bouscule. Encore une fois, je n’ai pas eu le temps de m’adapter, je suis déjà dans le sprint final.
« Ça pousse tout seuuuuuuul! »
J’essaie de ne pas céder à l’adrénaline qui m’envahit. Je ferme les yeux, évite les regards. Concentre-toi, ne pense à rien, fixe quelque chose. J’ai besoin de toucher. Ah tiens… La petite laine de Karine. Le bras de mon chum. Il me connait bien, il ne dit rien, il est juste là avec moi et pour moi. Puis revient la sensation de pousser. Je n’avais jamais vécu cette sensation. J’ai vu tant de femmes me dire « ça pousse tout seuuuuuuul! », mais ça m’était inconnu. Là, je comprends. Ça pousse tout seul! L’étrange pensée qui me vient en tête, est celle d’être dans un jeu vidéo. Je sens ma puissance monter au fur et à mesure de la poussée et je n’arrive pas à croire que j’ai cette force-là. J’ai l’impression d’être consciente au début, puis à un moment, c’est comme si un mécanisme automatique se met en branle et pousse à ma place. Je dois faire des efforts incommensurables pour rester calme, centrée. C’est long, pourquoi il n’arrive pas? Puis je le sens, il est là. Le nez en l’air… Un postérieur franc! Je le savais qu’il était mal placé mon bébé! Je n’arrive pas à croire que c’est terminé. Il est et vingt.
Le sexe est inconnu et je veux le découvrir par moi-même. « T’as vu comme elle a de longs doigts? » me lance le fier papa. Merci chéri pour la surprise ;)
Jessie Jalbert
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