Octobre arrive, et avec lui, la semaine mondiale de l’allaitement qui se tient du 1er au 7 en Amérique du Nord. Je cherchais une façon de la souligner, d’en parler. J’avais justement eu une discussion sur le sujet avec mon amie Chantal Lavigne, consultante en lactation (IBCLC) passionnante et passionnée, en début de semaine. J’étais gonflée à bloc pour mon billet, j’avais la tête pleine d’idées! Il a y tant de facettes à explorer quand on parle d’allaitement…
J’ai finalement choisi de laisser la parole aux mamans. J’ai demandé à plusieurs d’entre-elles de me partager leur mot de mère sur l’allaitement de façon spontanée et sans censure: ce qu’il signifie pour elles, leur expérience, la place et le rôle qu’il occupe en 2013, la première chose qui leur vienne en tête… (Je n’ai pas pu résister, j’ai aussi posé la question à quelques papas!). Quel bel échantillonnage! Pour moi, il représente bien la situation actuelle de l’allaitement au Québec : belles expériences, ambiguïté chez certaines, manque de ressources criant, pression maternelle, retour aux sources. Voyez par vous-même!
Témoignages de mères sur l’allaitement
« C’est étrange l’allaitement. C’est si naturel, mais on ne sait pas le faire, en tout cas, c’est ce qu’on croit! Puis vient notre enfant qui lui, sait. Viens maman, je vais te montrer. » – Dominique
« Allaiter pour moi c’est garder un lien unique avec mon bébé, soit celui que mon propre corps puisse le créer et maintenant le nourrir. Personne ne peut me substituer, je suis SA maman! » – Anick
« Je n’avais pas d’attente face à l’allaitement, j’étais certaine que ça allait bien se passer. Puis est venu mon bébé, et là je savais que je voulais VRAIMENT allaiter. Tout le temps. Mais ce n’est pas ça qui est arrivé et j’ai dû arrêter beaucoup trop tôt. Pour moi l’allaitement, c’est une relation unique et tellement belle! Mais je reste quand même amère de mon expérience, à cause du peu de ressources adéquates que j’ai réussi à trouver dans ce processus. » – Isabelle
« Ce dont je me rappellerai toujours ce sont ces moments magiques volés à la nuit. Paisibles toutes les deux. J’avais l’impression que nous étions seules au monde… » – Geneviève
« Pour moi, l’allaitement était naturel et facile, encore plus que l’accouchement! Zen, en confiance… j’ai frappé un mur dès le début de mon allaitement. J’ai tenté de demander de l’aide, mais je suis tombée sur quelqu’un qui m’a dit… que ma fille ne serait pas intelligente si je lui donnais de la préparation. Ça m’a tellement choquée et découragée, que j’ai malheureusement arrêté d’allaiter. J’ai opté pour faire la maman kangourou par contre! Quelques mois après avoir fermé la porte à mon allaitement, je me suis dit qu’il manquait de ressources et je suis devenue marraine d’allaitement. Depuis plusieurs années maintenant, je côtoie des mamans aux valeurs différentes et je tente de les aider de mon mieux, car oui je crois à l’allaitement, mais je crois aussi qu’une maman doit être heureuse avant tout dans ses choix! Une maman qui a des ressources c’est une maman qui a beaucoup plus de chance de vivre ça de façon zen et heureuse. » – Karine
« Allaiter en 2013, ça me semble moins facile qu’en 1940! Aucune femme de mon entourage, ni même de ma famille, n’avait allaité quand j’ai eu ma première. J’en ai entendu de toutes les sortes!! » – Annie
« J’ai détesté… J’ai bien voulu pour le bien de ma fille mais pour moi c’était un calvaire! Il a fallu qu’après 2 semaines d’enfer, une gentille infirmière me dise que je ne serais pas une mauvaise mère et que mon bébé ne serait pas moins en santé si je ne l’allaitais pas. OUF! Soulagement… En plus je n’avais même pas de lait! Pour moi, l’allaitement ce n’est pas « beau ». J’ajouterais qu’à l’hôpital, la pression était trrrrrès forte… Une infirmière m’a demandé, en me chuchotant à l’oreille, la permission de donner du lait à mon bébé qui crevait de faim. Elle m’a dit qu’elle n’avait même pas le droit de me le proposer!! » – Francine
« Il y a encore beaucoup trop de « ???? », de « !!!!! » et de « … » par rapport à l’allaitement. C’est un engrenage qui entraine des tas d’aspects dans son sillage: la société, l’alimentation, l’attachement, la santé, le public, le privé. C’est presque certain qu’à quelque part là-dedans, tu peux te sentir heurtée, blessée, désinformée.» – Marie-Ève
« (…) Il me semble qu’aujourd’hui on pourrait faire mieux. Moi ça s’est bien passé sauf que c’est pas le cas pour plusieurs de mes amies. À l’hôpital, chaque infirmière a son discours pis en sortant c’est pas mieux. On se fait dire de donner le biberon parce que c’est moins compliqué! Je suis contente d’avoir ignorer ça même si j’y ai pensé au début. » – Julie-Anne
« Allaiter pour moi c’est un regret, une déception de ne pas avoir réussi… c’est la douleur, physique et mentale, de vouloir réussir mais de cesser car ça ne fonctionne pas... » – Isabelle
« Voir ma blonde en parfaite communion avec notre fils, ça me rend vraiment fier. Je l’ai regardé le couver, le faire naître et maintenant, le faire grandir. C’est juste wow! » – Philippe
« Pour moi l’allaitement, c’est comme la continuité de la grossesse. Un moment où je me dois de m’arrêter pour ne faire qu’un avec mon enfant, encore une fois… » – Kathleen
« Allaiter pour moi, c’est amer. J’aimerais me souvenir du bon, mais pour toutes sortes de raisons, j’ai juste l’autre goût dans la bouche, celui qui t’oblige à passer à autre chose. » – Anne-Marie
« On ne m’a pas encouragé à allaiter quand j’ai eu mes enfants, ça n’allaitait pas fort fort dans ce temps-là! Mes filles ont allaité par contre et la grand-maman est pas mal fière. Je prends le temps de sourire quand je croise une maman qui allaite son bébé parce que je trouve que c’est important de les soutenir. » – Nicole
« Quand ton corps n’est pas capable de faire ce qu’il est fait pour, soit de nourrir ton enfant, difficile de ne pas être en guerre contre lui. » – Marie-Christine
« J’en suis à mon 55e mois d’allaitement en ce moment, si on les met les quatre bout-à-bout. Malgré cela, le rush de ce sentiment indescriptible quand j’allaite est toujours aussi puissant, à chaque tétée. J’ai l’impression que le lien se tisse un peu plus fort chaque fois. J’ai eu des débuts d’allaitement difficiles et il m’arrive de me demander qu’est-ce qui m’a motivé à continuer, au-delà de l’aspect « meilleur lait pour bébé » qui est mal utilisé à mon avis. Je pense que j’ai l’allaitement dans les trippes. Mais aussi, et j’en connais trop bien l’importance, un excellent réseau de soutien et un chum hors pair. » – Jessie (moi-même!)
« L’allaitement à mon sens c’est la santé. Pas juste la santé physique, la santé affective aussi. La proximité avec la mère, le lien qui se développe. Ça ne m’enlève rien, au contraire! Mes enfants s’en trouvent grandis et plus solides. » – Martin
« (À propos de ma propre expérience d’allaitement) Ce n’est pas de l’entêtement ou de l’acharnement, mais de la persévérance. » – Karine
« C’est une belle communion entre la maman et le bébé, et c’est le fun de voir une telle chaleur, dans la froideur impersonnelle de 2013. » – Kim (un papa)
Un grand merci à tous ceux et celles qui m’ont offert ces mots desquels transparaissent les lacunes du soutien faites aux mères.
Pour moi, l’allaitement allait de soi. Je n’ai jamais même pensé à une autre alternative. Oui, au début, j’ai eu des crevasses et des gerçures. Ça faisait mal, mais j’ai persévéré jusqu’ à 16 mois pour mes deux enfants. J’en suis très fière et cela m’a donné énormément de confiance en moi! Cela m’attriste beaucoup que des gens qualifient l’allaitement comme étant dégoûtant.
A mon premier bébé mon accouchement ne s’est pas passé comme je l’aurais souhaité…césarienne planifiée. J’ai eu tellement de regrets de n’avoir pas « réussi » mon accouchement que je me suis dis que j’allais réussir mon allaitement. Jai littéralement adoré mon exprience. C’était moi et seulement moi qui pouvait le nourrir, l’aider a grandir. Mon deuxième, ça n’a même pas été une question! :) j’adore le sentiment de bien être que cela me procure et la proximité que cela me permet d’avoir avec mon tout petit!
Je voyais ça tellement beau et bon avant mon premier accouchement. Avec un bébé de 37 semaines qui ne comprend pas le principe et une pression immense des infirmières à l’hôpital, puis le stress des petits cup car il ne fallait pas créer de confusion pour quand çà fonctionnerait…puis le stress du petit poids avec le stress du CLSC…j’ai vite déchanté et en ai fini presque en burn out. Après 3 semaines de tire-lait intensif qui donnait presque rien, j,ai abandonné. Je me suis sentie soulagée. Pour mon deuxième, il était hors de question que je me mette à terre. Les infirmières ont été mises au courant et personne m’a harcelé. J’ai essayé, certes oui, mais avec un autre bébé de 37 semaines qui n’avait pas l’air de comprendre plus le principe … la formule est arrivée assez vite, même à l’hôpital. J’ai aimé mes bébés dès le premier instant, mais j’appréciais aussi le temps que mes enfants pouvaient passer avec papa…..même la nuit !
Avant d’accoucher, pour moi, l’allaitement, ça allait de soi, c’était naturel, c’était la meilleure option… J’avais beaucoup plus peur de l’accouchement! Je me suis préparée plusieurs mois à l’avance pour l’accouchement, la terreur au coeur, et finalement ça s’est passé comme un charme! Mais pour l’allaitement par contre, ça a été une autre histoire… Pour moi l’allaitement, c’est la douleur. La douleur inconcevable. La douleur à chaque heure. La douleur pour nourrir mon bébé. La douleur pour tirer mon lait manuellement. La douleur pour tirer mon lait avec un tire-lait. Ça a été pire que l’accouchement. Deux semaines. C’est tout ce que j’ai pu donner à mon bébé. Deux semaines de douleur. Deux semaines à courir un peu partout malgré le fait que je devais me rétablir de l’accouchement, pour aller à la clinique d’allaitement, prendre un rendez-vous chez le dentiste pédiatrique, faire la frénectomie, puis, quelques jours plus tard, découragement total et descente aux enfers de la dépression. Finalement, j’ai fait un tire-allaitement pendant neuf mois, neuf mois pendant lesquels je suis restée enfermée chez moi pour tirer mon lait et donner le biberon de mon lait à mon bébé, à toutes les deux heures. Ça ne me laissait pas de temps pour autre chose.
Avec le recul, j’aurais beaucoup aimé qu’une gentille infirmière me dise que j’en avais fait assez, que je pouvais arrêter de me torturer avec le tire-lait, que le sentiment de culpabilité qui m’assaillait à tout moment parce que je n’étais pas capable d’allaiter mon bébé directement au sein n’était pas fondé, que je pouvais faire un allaitement mixte, pour me laisser souffler un peu… Mais non. J’ai vu des infirmières (et des consultantes en lactation) une bonne vingtaine de fois après être sortie de l’hôpital, et aucune ne m’a dit que je pouvais m’en mettre moins sur les épaules. Et à celles qui me parlent de persévérance, si elles pouvaient se mettre dans mes souliers, elles comprendraient que j’ai été plus que persévérante! J’ai toffé le tire-lait à toutes les 2 à 4 heures pendant neuf mois!
Je crois toujours que l’allaitement est naturel, mais je sais maintenant que c’est un art qui ne vient pas naturellement. Je crois toujours que l’allaitement est quelque chose que toutes les mamans devraient essayer au moins quelques jours… Mais je crois aussi qu’il en revient à elles de décider ce qui est le mieux pour leur enfant. La prochaine fois que vous voyez une maman avec un biberon, ne la jugez pas automatiquement… Ça pourrait être une femme qui a vécu une situation similaire à la mienne! Et je crois également que la stratégie du système de santé est bien mauvaise! La censure sur le biberon est complètement ridicule et contre-productive. Oui l’allaitement est la meilleure solution, dans le meilleur des mondes, mais on vit dans la réalité. Si, dans la réalité, l’allaitement n’est pas possible, la mère a le droit de choisir le biberon. Dans mon cas, ça aurait probablement été mieux pour ma fille si j’avais choisi le biberon plus tôt… Quitte à ré-essayer l’allaitement périodiquement, pour voir si ça aurait pu s’améliorer! Pourquoi l’allaitement mixte n’est-il pas considéré comme une solution viable? Et pourquoi on fait sentir les mères qui n’arrivent pas à « réussir » leur allaitement comme si elles étaient de mauvaises mères? Ça aide qui, ce genre de méthode???
Je me suis « amusée » à conter les années d’allaitement et … cela a donné 10 ans !!! incroyable j’ai passé 10 ans de ma vie à donner mon lait à mes 3 enfants (pas en meme temps, !)
L’allaitement c’est le geste et l’insteraction les plus naturels et instinctifs que je connaisse. Malheureusement nous sommes obligé de réapprendre car la société moderne passe par là ou est passé par là.
Je vis au Portugal à la campagne et les mères allaitent naturellement dans toutes les classes sociales car leurs propres mères les ont allaitées longtemps en général jusqu’à la rentrée à l’école (3ans). Elles n’ont pas eu la cassure de la libération des femmes (je ne nie pas les bons cote mais…) où la pensée commune était qu’on était pas des « vaches laitières ». je pense sincèrement que cela a fait beaucoup de mal. et nous avons un « devoir » aujourd’hui de réapprendre et de transmettre à notre tour. Anne